Avec le Bastion, elle est l’autre don inestimable de Cocteau à Menton. Peinte entre 1957 et 1958, elle figure magnifiquement les amoureux de Menton, jusque dans leurs couleurs azur et ocre, dont les arabesques côtoient les figures mythologiques chères au poète : Orphée, Eurydice, les Centaures...
En 1955, le conseil municipal décide de réaménager son hôtel de ville, et notamment de transformer l’ancienne salle des tribunaux désaffectée en salle des mariages. Le maire de l’époque, Francis Palmero, a l’idée de proposer à Jean Cocteau, qu’il rencontre au cours du Festival de Musique, d’en assurer la décoration. L’artiste réalise ses premiers dessins pour la salle des mariages le 8 avril 1956 ; il travaille en parallèle aux décors de la chapelle de Villefranche-sur-Mer et créera également l’affiche du Festival de musique de Menton la même année.
Il définit rapidement les grands motifs principaux, inspirés d’une part par la mythologie antique (Orphée et Eurydice), d’autre part par un exotisme de fantaisie qu’il associe à Menton, mais n’attribue pas immédiatement un style graphique à ses compositions. C’est au cours de l’été 1957 qu’il a l’idée de remplir les surfaces d’arabesques colorées qui s’enroulent telles des spirales ou des grecques : le « style de Menton » est né.
Dès qu’il en trouve l’idée, Cocteau se lance sans retenue dans cette nouvelle entreprise et remplit méthodiquement tous les espaces vides de ses études sur papier puis de ses compositions murales. La salle des mariages, de fait, ne comporte aucun vide, aucun blanc. Les motifs décoratifs abstraits sont intégrés aux motifs figuratifs, les complètent.
« Le décor de la mairie se hâte vers sa fin. Les lignes s’enroulent et méandrent presque toutes seules » témoigne-t-il en 1957.
Outre les peintures murales, Cocteau s’attache aux moindres détails de la décoration, choisit ainsi les chaises de style « espagnol », les tapis à motif de peau de panthère et dessine les luminaires sur pied en fer forgé.
Enfin, comme il est d’usage dans les salles de mariages municipales, l’allégorie de la République est présente, mais pas sous forme de buste : c’est dans les miroirs du fond de la salle que Jean Cocteau a gravé ses fameuses Marianne gracieuses et énigmatiques.
La salle des mariages est inaugurée le 22 mars 1958. Durant deux années Cocteau, « fatigué de l’encre et de la table » comme il l’a écrit, s’est consacré à ce décor grandiose.